CONDITIONS DE RÉALISATION DU TRAVAIL ET SANTÉ : LES CONTRAINTES DE TEMPS

11 janvier 2021 | Analyse ergonomique

Toute activité s'inscrit obligatoirement dans le cadre du temps : horaires de travail, quart de travail, cadence, rythme, période de repas. Le temps est une ressource mais, il peut aussi devenir une contrainte.

Manquer de temps ; avoir trop à faire : problématiques communes. Dans certains types de métiers, on peut organiser son temps, avoir des marges de manœuvre et de la latitude. Dans certains cas, on est contraint dans le temps.

Différents types de contraintes temporelles

Il existe 3 types de contraintes temporelles : technique, organisationnelle et imprévue :

  • Contraintes temporelles techniques : il faut intervenir techniquement pour les réduire. Exemple : la programmation d’une machine doit être modifiée. La contrainte est imposée par une machine. Elle se retrouve notamment dans le cadre d’un travail à la chaine ;
  • Contraintes temporelles organisationnelles : elles peuvent avoir plusieurs sources :

  1. liées aux objectifs de production ou aux délais, soit le nombre de pièces à produire durant le quart de travail, le délai à respecter ou les horaires ;
  2. liées à l’organisation sociale, soit la pression des autres membres de l’équipe ou la surveillance du supérieur hiérarchique ;
  3. liées à l’organisation économique, par exemple lors d’un salaire basé sur le rendement ou avec primes.
  • Contraintes temporelles imprévues : par exemple lorsqu’une machine tombe en panne et qu’il faut rattraper le retard de production.

Ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives. En effet, certaines contraintes temporelles se retrouvent dans plusieurs catégories.

Contraintes temporelles et marges de manœuvre

Prenons l’exemple d’un opérateur : de par son activité de travail, il cherche à gagner la maîtrise de son temps. C’est une réaction naturelle au travail contre laquelle il est difficile d’aller et il est primordial de le considérer pour comprendre certains comportements qui seront observés sur le plancher. Ainsi, dans son environnement de travail, le travailleur cherchera des ressources lui permettant cette maitrise. C’est ce que l’on appelle les marges de manœuvre, soit des éléments sur lequel le travailleur peut agir plus ou moins librement. Elles peuvent être de trois types : spatiales, temporelles, et opérationnelles :

  • Marges de manœuvre spatiales : la possibilité de déplacer des objets ou du mobilier, tel qu’aménager son bureau ;
  • Marges de manœuvre temporelles : la liberté de choisir l’ordre dans lequel les tâches sont accomplies, l’heure des pauses, etc. ;
  • Marges de manœuvre opérationnelles : la possibilité de choisir les modes opératoires pour accomplir les tâches de travail.

L’importance de l’expérience du travailleur / de la travailleuse

Ces marges de manœuvre sont présentes dans la situation de travail, mais dépendent également de l’expérience du travailleur / de la travailleuse, de ses capacités et de sa compréhension de la situation de travail. Selon ces différents aspects, le travailleur va identifier ou non les marges de manœuvre et le cas échéant, il va développer ou non des stratégies pour les utiliser.

Développer des stratégies requiert beaucoup d’effort et d’activité mentale, surtout si les marges de manœuvre sont faibles, ce qui peut rendre le travail plus difficile et exigeant.

Pourquoi l’ergonome et l’ergothérapeute œuvrant en ergonomie s’intéressent aux contraintes temporelles ?

Les contraintes temporelles ont plusieurs effets sur la santé, à la fois à court et à long terme. En effet, elles peuvent conduire à des modifications quant à la façon de travailler. À titre d’exemple, c’est le cas des caissières qui, lorsqu’il y a beaucoup de clients, vont modifier leurs postures pour accélérer leur cadence. Les contraintes temporelles peuvent également poser des difficultés d’apprentissage. Par exemple, il est difficile d’apprendre à maitriser un nouveau poste si l’on est sous pression. Enfin, les contraintes temporelles peuvent augmenter les risques d’erreurs, d’incidents ou d’accidents. À titre d’exemple, une infirmière qui est seule pour s’occuper de plus de patients qu’à l’habitude aura moins de temps pour chacun et risquera d’oublier certaines tâches, se tromper dans les médications ou encore mobiliser un patient trop vite ou différemment et se blesser.

À court terme et en situation hors travail, lors d’une exposition à des contraintes temporelles, on constate chez les travailleurs des modifications des modes de réaction aux aspects temporels de la vie quotidienne, notamment de l’impatience et un changement dans la structuration de l’horizon temporel (penser en termes de rendement et non plus en termes de projet) et enfin, des pertes cognitives (ex. : pertes de mémoire).

Lors d’une exposition pendant une longue durée, les contraintes temporelles peuvent entrainer des problèmes de santé mentale (ex. : dépression, sentiment de perte de contrôle), une transformation de la personnalité (ex. : intolérance aux attentes) et de la fatigue chronique. Pour certaines activités professionnelles, cela peut engendrer une augmentation des troubles musculosquelettiques ou des maladies cardio-vasculaires avec le risque de voir apparaître un vieillissement prématuré ou une invalidité prématurée.


Pour en savoir plus :
Falzon, P. (2004). Ergonomie. Presses Universitaires de France.

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